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Du Livre aux Films

Le Seigneur des Anneaux : Film ou Livre ?

par Eleglin (Y.H.)
mise à jour :04/12/2005

Quand je pense qu'en devenant administrateur sur La Couronne de Cuivre, j'espérais des vacances et n'entendrais pas un pseudo-débat sur la question essentielle de ce début de XXI siècle :
" Mesdames et messieurs, qu'est ce qui est "le plus mieux" entre le film et le livre SdA ?" Cruel débat qui, encore une fois, verra s'affronter fans, fanatiques et badauds à coups de livres et et de bobines de films. Quand le livre fait 1500 pages et qu'il y a plus de 10h de long métrage à décortiquer, les coups portés sont très douloureux et il faudra craindre des bosses sur le crâne. Et bien évidemment, quinze jours après mon arrivée, quelques fans passionnés se jettèrent des pierres. On dut alors appeler les CRS pour rétablir le calme. Enfin, non ça n'a pas été jusque là.

Et oui, on se battait autrefois autour des théories de l'évolution ou l'existence d'un seul et unique supercontinent pendant la préhistoire, mais aujourd'hui on se bat autour d'un film, 3 ans après sa perpétration. Comme si en ces temps troublés, avec une actualité et une situation politico-économique pas toujours très réjouissantes, certains n'avaient que cela à faire.

Un exemple de raisonnement dialectique qui pourrait être intéressant lors de ces débats :
Tout d'abord, prenez les livres 3, 4, 5 et 6 du Seigneur des Anneaux : à un moment, on raconte les aventures de Frodo et Sam pendant 250 pages, puis on retourne à Aragorn, Legolas et Gimli pendant 250 autres. y a t-il beaucoup d'auteurs qui prennent ce genre de libertés ?
Cependant, le livre est un enchevètrement d'histoires parallèles, c'est ce qui le rend tellement intéréssant et permet d'accélérer le rythme de lecture.
Par conséquent, ça en désorientera certains (quoique les moins résistants auront cédé au bout des 250 pages de documentation sur Les Hobbits, La Comté, et Tom Bombadil..) et pour les autres, ça provoquera un suspens intense, propice à l'immersion dans le récit.
Voilà une réflexion suivant un plan dialectique : thèse - antithèse - synthèse : exemple à méditer pour ceux qui nous servent des arguments non nuancés.

On pourrait passer des années à débattre que tel ou tel point du film est bien ou n'est pas bien.
Certes, il y a des choses que j'apprécie dans les films de Peter Jackson : les décors, les costumes, l'aspect artistique, le design inspiré par Alan Lee et John Howe, La musique très variée d'Howard Shore (avec toute la variété des intruments utilisés et de sons cosmopolites), le jeu des acteurs correct (enfin suffisamment crédible pour que je m'immerge dans l'univers), la performance d'Andy Serkis/WETA en ce qui concerne Gollum, les batailles...
Ensuite ce que j'aime moins ou ce qui me fait bondir : Sam expulsé du groupe par un Frodo paranoïaque, Faramir moins monolithique qui ne m'a fait ni chaud ni froid, l'intervention des fantômes à la bataille du pelennor qui réduit à mon sens la victoire des "hommes de chair et d'os", l'intervention des Elfes au Gouffre de Helm assez discutable...
Je pourrais citer beaucoup d'autres choses positives ou négatives. Et certains vont dire que j'ai très bon goût ou d'autres que j'ai vraiment mauvais goût.

Bref, il n'y a pas de vérités absolues, et à vrai dire qu'importent mes arguments précédents. Le tout est de savoir rester modéré et d'essayer de réfléchir aux points de vue exposés par les autres en les prenant pour ce qu'ils sont : des points de vue subjectifs de tiers ayant des goûts, une histoire, et une sensibilité différentes de la notre.

Quand j'ai envie de lire le livre, je vais chercher le livre bien mis en valeur sur son étagère et quand j'ai envie de voir le film, je mets les jolies galettes dans mon lecteur DVD. Je ne vais pas me prendre la tête à chercher un bloc et un crayon pour relever toutes les différences films/livres. Si j'ai envie de polémiquer, je vais m'intéresser à la constitution européenne, je m'intéresse à la politique au journal de PPDA, je vais consulter le site de 30 millions d'amis, mais je ne vais pas me lancer dans un débat pour comparer deux œuvres sur deux supports médiatiques différents. Les deux seront forcéments différentes et il sera difficile de dire laquelle est la meilleure. Ce sera une question de goûts et de couleurs, et comme tout le monde le sait, on ne peut pas plaire à tout le monde.

Pour finir, c'est le film qui m'a fait découvrir le livre et c'est grâce à ça que je fais un site sur Tolkien aujourd'hui. le film vaut ce qu'il vaut, mais pour moi, ça signifie beaucoup.

Bref, mon intention n'est pas de vouloir dénigrer toute contre-partie critique vis à vis du film de Peter Jackson. Je voudrais simplement attirer l'attention sur le fait que parfois, trop c'est trop. Notamment lorsqu'on trouve sur la toile des critiques acharnées ne relevant que les défauts du film sans mentionner les qualités de l'œuvre. Certes, on peut ne pas aimer quelque chose, mais vouloir imposer son point de vue aux autres au point de refuser tout argument contraire, c'est assez inquiétant.

« Libre à toi de donner un avis, mais libre aux autres de te répondre »

Combien de fois ai-je pu voir des discussions finir en pugilat à propos de cette adaptation ?

Scénario classique : un membre X démonte de A à Z un certain nombre d'éléments du film ( bon, à part les décors et les costumes, là faut reconnaître que P. Jackson a fait fort ). Les membres Y essaient alors de donner leur avis et de défendre certains aspects du film... X répond alors par une grêle de pseudo-arguments ( plus ou moins subjectifs) et à terme, ça dégénère..

Il y a plusieurs points que je conseillerais à ceux qui souhaitent rentrer dans ce genre de débat :

  • d'abord un petit check up complet chez son médecin généraliste, histoire de vérifier si cela n'est pas dangereux pour sa santé.
  • À la lecture des messages précédents, essayer de réfléchir aux arguments précédemment évoqués.
  • Donner dès le début de son message, son avis personnel ( « j'aime » ou « j'aime pas » ) et présenter des arguments en faveur ou contre le film. Je conseillerais de donner un peu de chaque, ça permet d'être plus juste et un peu plus crédible.
  • Quand on veut exprimer une critique plus catégorique, c'est comme dans tout débat ou toute discussion entre adultes, il faut avoir du biscuit. Qu'est ce que j'entends par là ? Je veux tout simplement dire qu'il faut avoir une connaissance suffisamment poussée du sujet, de ses deux composantes ( arguments favorables et défavorables ) pour tenter de l'imposer. Sinon il faudra s'attendre à des réponses contraires d'autres membres, un agacement chez certains lecteurs voire à une surveillance de la part des responsables ou des modérateurs.
  • Ne pas oublier que même si on a le droit de s'exprimer dans toute société libérale, les autres ont également le droit d'avoir un avis différent du vôtre et de vous contredire. Sans critique il n'y a point d'éloge flatteur, et sans droit de réponses il n'y a point de critique sérieuse.
    Et là, j'attirerais votre attention sur un certain nombre de choses : tout ce qui pourrait ressembler à de la condescendance ou même à de l'ironie est fortement déconseillé. Un peu d'humour n'est pas une mauvaise chose en soi, mais quand ça dégénère à de l'agression dragéifiée avec un peu d'ironie, ça devient un peu limite. Il y a « ironie » et « ironie ». Quand il s'agit de « casser » l'autre en se moquant de ses arguments ( ou même de son opposant directement ), il ne faut pas s'étonner ensuite d'être catalogué comme un fanatique irascible et asocial, incapable de participer à une discussion entre personnes raisonnables. L’internet est un lieu public où l'on peut s'exprimer librement tant que la liberté d'expression des uns n'empêche pas la liberté d'expression des autres.

Il n'est pas tout à fait inutile de participer à ce genre de débats concernant des adaptations de romans sur grand écran... quand on sait garder son calme. Tout d'abord cela permet de partager une expérience avec d'autres internautes, ou même égayer un repas de famille avec un sujet culturel ( par exemple ). Ensuite, cela permet de s'interroger sur les raisons de ces différences livres/films.

Et ces différences tiennent à plusieurs explications :

  • Les medias sont différents : On ne représente pas une chose de la même façon dans un livre et sur grand écran. On favorisera l'évasion et l'imagination dans le premier, mais on privilégiera l'aspect visuel et le rythme dans l'autre. J'imagine difficilement les épisodes de la Grande Forêt ou de Tom Bombadil sur grand écran, cela serait un peu long ( la trilogie a une durée d'une dizaine d'heures, c'est déjà beaucoup ). Ce qui est développé dans un livre sera fatalement réduit à l'écran.
  • En plus de cette réduction, de cette adaptation ( les deux œuvres seront évidemment différentes d'où l'emploi de ce terme ), il faut bien comprendre que si l'écrivain et le réalisateur sont généralement deux personnes différentes ( ce qui arrive souvent, sauf pour la trilogie marseillaise de Pagnol par exemple ), cela implique donc une vision différente de l'histoire racontée. Les œuvres ne suivront pas forcément la même trame narrative et ne véhiculeront donc pas forcément le même message ( les symboles, les allégories...). C'est d'ailleurs c'est ce qui fait l'intérêt de ces adaptations : la différence de points de vue.
  • Un film est le résultat du travail d'une équipe et sera une synthèse de plusieurs points de vue ( réalisateur, acteurs, scénaristes, monteurs.. ), mais un roman est généralement issu d'un seul cerveau.

Tout ça pour conclure que film/livre sont deux entités différentes et qu’il faut donc les traiter comme telles. Et pourtant l'histoire du Septième Art est intimement liée à la littérature, le cinéma ayant toujours abondamment puisé dans la matière littéraire, tout comme son précurseur : le théâtre.

"Le roman a souvent servi de support à des adaptations filmées, mais ces deux moyens d'expression obéissent à des exigences techniques si profondément différentes que la création s'y situe à des niveaux qui coïncident rarement. »
J.-C. BERTON.

Un roman n'est pas forcément un matériau figé. Une adaptation est une sorte de transfuge du papier à l'écran. Et s'il y a bien une certaine idée de conformation dans ce terme, son obligation serait inconcevable entre le livre et le film. Il n'y a pas concurrence entre les deux car ces deux médias explorent des domaines différents.

Les films de Peter Jackson ne concurrencent donc pas le roman de Tolkien. Et même s'il s'agit du même titre et du même « synopsis », ils ont tous les deux le droit de co-exister indépendamment

je vous renverrais pour finir à un article de l'Internaute qui résume bien la situation :

« Difficile de retranscrire les mots en images et de calquer l'univers du roman. Et pourtant, la plupart des films sont des adaptations littéraires. (...) L'adaptation littéraire ne cesse de se développer. Cet essor conduit à un moyen pour comparer le roman au film. Qui est le meilleur ? En fait, c'est un faux problème. Tous ceux qui concluent que le talent de l'écrivain est supérieur à celui du cinéaste, oublient les chefs-d'œuvre du cinéma tirés de médiocres œuvres littéraires, notamment le Barry Lyndon de Kubrick bien supérieur aux mémoires de Thackeray. »

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